La petite brosse à dépoussiérer la fiction
- Philippe Bootz (France)
La petite brosse à dépoussiérer la fiction est un « poème à lecture inconfortable ». Il faut brosser et brosser et brosser encore cette poussière qui colle à la langue pour, enfin, lire la fiction. Du moins était-ce le cas dans la version originale. La version publiée ici, programmée en HTML5, semble très éloignée de cet « inconfort » lorsqu’elle est exécutée sur un ordinateur : ludique, facile à manipuler, elle permet même de dessiner sur la poussière comme on passe un doigt sur un meuble poussiéreux, sans faire attention au meuble mais à la poussière. Sûr qu’on en oublierait de lire ! Pourtant, exécutée sur une tablette, ce programme offre un tout autre aspect : l’interaction en est tellement peu ergonomique qu’il en devient presque impossible à lire. De qui se moque-t-on ? Mais ce programme narquois ne s’arrête pas là : il génère une histoire policière, avec la complicité involontaire de Jean de la Fontaine, mais ne nous raconte pas toute l’histoire qu’il a fabriquée. Unité de temps, unité de lieu, Il ne nous en dit que ce qu’en voient les personnages présents dans le salon de la comtesse qui, comme chacun sait, ne sortit pas à cinq heures mais envoya son fils faire les commissions. Il ne s’y passe rien ? Qui nous dit que, dehors, le voleur n’est pas mort d’une crise cardiaque, ou qu’il n’a pas décidé de prendre un soir de repos ? Pauvre lecteur : le voilà (é)conduit à dépoussiérer le salon de Madame la Comtesse. Parodie de fiction policière, parodie de générateur, parodie d’œuvre ?